« Faillites : les banques vont-elles « ponctionner » les indépendants et PME contraints de vendre un bien immobilier ? »

C’est le titre d’un article sur les funding loss publié sur le site de la RTBF ce 17 février 2021.

Il s’agit de la retranscription (complétée de certains passages) d’une interview diffusée sur la première (disponible sur le site de la RTBF également).

L’article met tout d’abord en exergue l’aspect dissuasif des indemnités réclamées par les banques à l’occasion du remboursement anticipé d’un crédit professionnel, et stigmatise la situation de blocage dans laquelle peut se trouver le crédité contraint de vendre l’immeuble financé par le crédit.

Jusque là, d’accord.

Mais l’article laisse ensuite à penser que les tribunaux n’offrent pas de solution à cette problématique.

Cela ressort notamment des extraits suivants :

  • « Qu’est-ce qui protège ces dirigeants de PME ou ces indépendants, qui sont en train de faire faillite, de se faire ponctionner ces intérêts par leur banque ? Réponse courte : rien. Rien de certain, en tout cas. Réponse de l’avocat Gilles Carnoy : « Aujourd’hui, le crédité qui vend un immeuble financé pour assurer sa survie, pour retrouver des liquidités, ou rembourser ses créanciers, doit payer une funding loss ».
  • « que reste-t-il comme recours ? Une action en justice pour contester, avec potentiellement des années de procès et des milliers d’euros de procédures à la clé. « En 2020, la Cour de cassation a rendu deux arrêts qui semblent siffler la fin de la récréation. Autrement dit, ces deux arrêts ne permettent plus – en tout cas pas avec de bonnes chances de succès – de contester des funding loss. Mais il subsiste encore une doctrine, plus nuancée, qui laisse encore la porte ouverte à certaines contestations », précise Gilles Carnoy ».

Là, pas d’accord.

Il est erroné d’écrire que les arrêts prononcés par la Cour de cassation en 2020 « ne permettent plus – en tout cas pas avec de bonnes chances de succès – de contester des funding loss ».

J’ai déjà consacré deux articles à l’enseignement qui se dégage de ces deux arrêts (articles disponibles en cliquant ici pour l’arrêt du 27 avril 2020 et ici pour l’arrêt du 18 juin 2020). 

La légalité d’une indemnité de remboursement anticipé réclamée par une banque dépend des caractéristiques du contrat de crédit en question.

Enoncer qu’il n’est plus possible de contester ces indemnités avec de bonnes chances de succès, ou au contraire (comme le font d’autres avocats) prétendre que toutes ces indemnités sont automatiquement contestables n’est pas sérieux.

Seul un examen du contrat en question et de la volonté commune des parties lors de sa conclusion permet de déterminer si la limite de 6 mois d’intérêts doit ou non s’appliquer.

C’était déjà la cas avant les arrêts de 2020 de la Cour de cassation, et c’est toujours le cas après ces arrêts.

Plusieurs décisions de justice ont d’ailleurs déjà été rendues (après les arrêts de 2020 de la Cour de cassation) qui le confirment fort clairement.

Contrairement à ce que laisse entendre l’article publié sur le site de la RTBF, dans de très nombreux cas, les PME et les indépendants disposent bel et bien d’un recours en justice pour faire valoir la limitation de 6 mois d’intérêts de l’article 1907bis du Code civil.

Ils ne sont pas soumis au bon vouloir de leur banque à l’égard de ces indemnités de remploi disproportionnées.

L’abus de droit, présenté comme une bouée de sauvetage dans l’article, est loin d’être le seul argument dont ils disposent.

Laurent Frankignoul, avocat.

Le 18 février 2021

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